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Parents, enfants et Covid-19 - Dr Anne Lorin

 

Parents, enfants et Covid-19

 

Dr Anne Malgoire Lorin

Pédopsychiatre

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Ouvrir un espace à dessiner librement

«Les trois filles font le tour du monde, il n’y a pas le Corona» dessin libre d’Éloïse, à la troisième semaine de confinement 

 

Nous traversons une période singulière, troublante avec la mort qui rode. En même temps le confinement, cette pause à l’affairement, nous ramène à l’essentiel : les relations humaines avec nos tout-proches co-confinés et avec ceux qui confinés ailleurs sont rapprochés par les nouveaux outils de communication. Que ressentent les enfants ? Comment  les aider ?

Le malheur frappe notre société avec les malades, les morts, les conséquences sur notre économie. Un climat mortifère est entretenu et amplifié par le flot continu d’information à la recherche de l’angle le plus dramatique dans la course à l’audience. Ce flot permanent nous décentre de nous-même, nous disperse et manipule nos émotions en renforçant l’angoisse.

Ce qui génère l’angoisse chez nos enfants ?  Les informations incomplètes, mal comprises, l’exposition à la tonalité de fond anxiogène des média et notre angoisse d’adulte. Toutes les émotions sont fortement contagieuses. Jusqu’à dix-huit mois, le bébé est connecté sans filtre aux émotions de sa mère, de son père, de sa nounou. Ensuite, il construit des défenses qui lui permettent progressivement de se protéger des émotions négatives.

 

Expliquer le réel à hauteur de notre enfant, à partir de ses questions

Nous avons à protéger nos enfants de l’exposition aux média, en les informant nous-même, à partir de leurs questions, en choisissant pour eux les mots pour leur expliquer la situation extraordinaire dans laquelle nous sommes tous plongés. Pour éviter qu’en  l’absence de clés de compréhension, ils imaginent pire.

 

Mettre des mots sur nos  émotions négatives invite l’enfant à repérer les siennes

La période est propice aux émotions  fortes. Parler à nos enfants de nos émotions négatives afin qu’ils comprennent  que ce qui nous traverse ne vient pas d’eux. Mettre des mots sur nos émotions invite l’enfant à lire les siennes et pouvoir les nommer. Il peut traverser des moments d’inquiétude sur le risque de tomber malade ou que cela arrive à ses parents ou à ses grands-parents ; la tristesse de ne plus voir ses copains.  Et aussi des émotions positives : la joie d’être ensemble, d’avoir du temps pour tout faire, la partie de fous-rire quand on joue ensemble ou quand on retrouve les copains pour un e-anniversaire inattendu.

 

Ouvrir un espace à dessiner librement

Dessiner fait du bien à votre enfant, l’aide à comprendre ce qui arrive, ressentir ce que ça lui fait,  y faire face et la possibilité de s’évader  au-delà de l’espace  de confinement.

Les dessins nous aident aussi à comprendre nos enfants .Si vous le souhaitez, vous pouvez scanner un dessin libre de votre enfant, pendant le confinement et me l’envoyer1 en précisant son âge et ce qu’il a dit de son dessin. J’en choisirai quelques-uns pour les commenter sur ce site.                                                                           

1.e-mail : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

 

Donner un cadre au temps  rassure et développe l’autonomie, source de la confiance en soi

Donner un cadre au temps, respecter les rythmes,  rassure les enfants en leur donnant des repères et en rétablissant  une continuité.

 

Le respect des rythmes de l’enfant contribue à sa bonne santé, à son bien-être, à son équilibre. Garder à peu près les horaires habituels du lever et du coucher est important pour la qualité du sommeil, à condition bien sûr que l’enfant dorme suffisamment : dans la période actuelle, nous avons le grand luxe de le laisser se réveiller naturellement.

 

Les enfants ont besoin de routines qui sont autant de repères pour leur permettre d’appréhender le temps et d’avoir un début de maîtrise sur leur vie, avec la possibilité d’anticiper ce qui arrive.

 

Mettre en place  un emploi du temps  et le présenter à l’enfant pour qu’il puisse  faire des propositions et se l’approprier. L’afficher pour que l’enfant puisse s’y référer. Nous débutons la cinquième semaine du confinement, il est possible que l’emploi du temps se soit délité au fil des jours, c’est le bon moment pour le reprendre en le modifiant en fonction de ce que nous avons observé.

 

Le temps qui nous est donné par le confinement permet de ralentir le rythme avec les enfants, ils peuvent ainsi être associés aux tâches du quotidien propices au développement de l’autonomie et des fonctions exécutives. Par exemple, mettre le couvert  nécessite de garder en mémoire tous les objets nécessaires au repas, appliquer son attention à la tâche en cours, sans se laisser détourner par un ustensile vu dans le placard avec lequel j’ai envie de jouer, ajuster ses gestes pour attraper un bol, le poser sur la table sans le casser, porter le jus d’orange sans le renverser. Se verser de l’eau dans son verre, tartiner tout seul. Vos enfants vont très vite vous surprendre par la quantité de taches qu’ils peuvent accomplir par eux-mêmes. Associer l’enfant aux taches du quotidien, développe son autonomie et lui donne de la dignité, pouvoir s’occuper soi-même de ce qui nous concerne, ne pas dépendre de l’autre,  développe la confiance en soi.

 

Profiter de ce temps de confinement pour réorganiser les placards, que tout ce dont on se sert tous les jours pour les repas soit accessible aux enfants, à leur hauteur. Passer à la vaisselle cassable, pour qu’ils puissent la manipuler en ajustant leurs gestes, ce qui renforce leur attention et leur contrôle inhibiteur.

 

Après le petit déjeuner pris  en commun, activités scolaires sans passer par la case dessins animés ou autres écrans. La durée des activités est adaptée à l’âge de l’enfant et à son envie. Il est important pour la qualité de l’attention de l’enfant, et aussi pour la précision de ses gestes qu’il soit bien assis, sur  une chaise réglée à sa hauteur  avec les deux pieds posés à plat sur le sol. Dans le programme scolaire envoyé par l’enseignant, faire choisir à l’enfant ce par quoi il veut commencer, l’engagement facilite l’apprentissage.

 

Préférer des activités plus ludiques l’après-midi : bricolages, jardinage, même sur le balcon,  loisirs créatifs et activités qui mettent en jeu tout le corps : l’enfant a un besoin vital de bouger : séances de sport  en ligne, danse sur une musique. Les enfants ont également besoin de sortir, de prendre l’air chaque jour  mais de nombreux parents ne leur permettent pas de le faire dans un souci de protection. Beaucoup d’enfants sont ainsi plus confinés que confinés, De nombreux enfants ne sortent pas du tout par souci des parents de les protéger, cela renforce la représentation du monde extérieur comme dangereux.

 

Alice, 4 ans, après une visite au portail, d’amis restés à plusieurs mètres, éclate en sanglots : moi aussi je veux aller dehors comme avant ! Pourquoi nous n’y allons jamais ?

 

Accompagner son enfant dehors,  dans le cadre des dispositions légales, autour du domicile en lui apprenant à respecter les distances avec les personnes croisées lui permet de souffler, fait également du bien aux parents, les tensions s’apaisent.

 

Et bien sûr du temps libre où l’enfant joue sans l’adulte, avec frère/sœur ou seul.

 

Enfin le rituel du coucher avec l’histoire du soir et le temps qui nous offre l’opportunité d’en lire plusieurs. Les histoires font du bien aux enfants, les consolent, les font rire, les emmènent très loin. Elles développent les capacités cognitives.  Et bien sûr, elles préparent au sommeil.

 

La nouvelle relation aux écrans

Notre rapport aux écrans est chamboulé par la période et celui de nos enfants aussi : les écrans nous offrent des services multiples et incontournables en ces temps d’enfermement, de rupture de contact avec le monde extérieur. C’est par ce canal qu’arrivent le contenu scolaire quotidien, avec  les activités et les histoires lues envoyées par la maîtresse. Et aussi les séances de sports, de danse, …Et aussi ce sont les logiciels de visioconférence qui permettent de garder le lien avec les copains, les cousins, les grands-parents. Et  aussi les dessins animés ou autre contenu récréatif…

 

Les enfants sont de fait  beaucoup plus devant les écrans que dans la vie d’avant.

 

Des règles restent : Apprendre aux enfants une position active dans sa consommation d’écran : on se place devant un écran pour un temps défini, devant un contenu choisi : c’est l’humain qui décide, pas la machine. Parler avec les enfants de ce qu’ils ont vu. Éviter les écrans récréatifs avant les séances de classe à la maison, leur hyperstimulation diminue les capacités d’attention nécessaires aux apprentissages. Arrêter les écrans 1h30 avant le coucher favorise l’endormissement.

 

En ces temps où les fake news fleurissent, elles nous offrent l’occasion de montrer aux enfants que ce qu’on voit ou entend à l’écran n’est pas toujours vrai.

 

L’école à la maison a changé le rapport des parents à l’institution. La découverte du travail des enseignants a suscité le respect. Entrer dans le déroulé d’une journée de classe permet une meilleure compréhension des apprentissages et un ajustement aux besoins spécifiques de son enfant.  On peut penser qu’à l’avenir, le suivi scolaire sera mieux ajusté donc plus détendu.

 

Le basculement dans le tout ou presque numérique a aussi concerné la médecine avec une progression exponentielle des téléconsultations. Dans ma pratique personnelle à ma grande surprise, l’expérience de suivi d’adolescents par téléconsultation  m’a montré un accès à l’intime : l’adolescent dans son cadre de vie, peut s’exposer d’avantage, comme si la distance rendait la relation moins dangereuse.

 

La relation parents-enfants en confinement :

Le confinement nous a fait entrer dans une période où le temps a disparu. Notre affairement d’adultes hyperactifs a cédé brusquement et nous voilà coincés, immobilisés à la maison. Les enfants en particulier les plus jeunes s’en sont réjouis : voir maman et papa, ne plus avoir à se séparer. Les premières semaines nous ont montré des enfants  joyeux,  détendus, plus calmes. Et ce d’autant que leurs rythmes étaient respectés et que des routines structuraient les journées.

 

Ce temps libéré par l’assignation à résidence  nous permet de redécouvrir nos enfants, en nous mettant à leur rythme, plus lent, moins utilitariste, chaque moment ayant de la valeur en soi. Contrairement à nous adultes qui nous projetons dans l’avenir, qui en oublions le présent, les enfants sont dans l’ici et maintenant du confinement d’autant que la notion du temps est différente pour eux : l’humain mesure le temps à l’aune de ce qu’il a vécu aussi, pour un adulte, une journée semble bien plus courte que pour un enfant. Profiter de ce temps pour parler avec les enfants, les écouter, répondre à leurs questions, approfondir avec eux les sujets qui les intéressent. .

 

Nous avons désormais une date de fin du confinement : elle est un repère qui ouvre le futur. En attendant que les portes d’entrée s’ouvrent, les quatre semaines à vivre encore confinés sont une invitation à peaufiner le vivre ensemble si proches, à profiter de la relation les uns les autres.

 

L’après confinement

Toute crise nous transforme, à condition d’écouter ce qui est arrivé. La contrainte au repli a  débarrassé  notre mode de vie de choses superflues, que nous prenions pour des obligations, enchaîner le travail, trop de travail pour certains, les activités, les sorties : course  incessante, dans une fuite en avant, vers quoi ? Et si cette course  nous faisait passer à côté de nos enfants ? À côté de la vie ? 

 

Nous ne sommes pas obligés de reprendre la vie d’avant. Ouvrons tout le champ des possibles.

 


 

 
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