Dr Fabrice Lorin Psychiatre des Hôpitaux
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Gérontopsychiatrie : la dépression chez la personne âgée La dépression est une pathologie fréquente, en augmentation avec l'âge. La dépression affecte 5 % des enfants pré-pubères, 10 à 15 % des adolescents, 20 % des adultes, 25 % des âgés de plus de 65 ans. Le taux de dépression augmente malheureusement avec l’âge. La dépression est donc très fréquente chez les personnes âgées, mais elle est trop souvent mésestimée et sous diagnostiquée. L'expression sémiologique est particulière, et l'attitude médicale face aux personnes âgées peut perdre en objectivité. Depuis la classique « dépression masquée », les conceptions actuelles confirment les particularités de la dépression du sujet âgé. Plutôt que la clinique, ce sont surtout la présentation et l'expression somatique qui prédominent. Trois signes majeurs, l'asthénie, les troubles du sommeil et les troubles de l'appétit sont au-devant de la scène clinique. Les plaintes subjectives psychiques comme la tristesse, la souffrance morale et l'envie de mourir sont au second plan. C'est l'interrogatoire et l'examen clinique qui devront les rechercher. Chez le sujet âgé, les plaintes sont fréquemment diffuses et les pathologies multiples. Le diagnostic positif et le diagnostic différentiel sont plus complexes en gériatrie. Penser systématiquement à la dépression chez le sujet âgé, doit devenir un réflexe dès la consultation initiale. La sous-évaluation de la dépression tient au fait que nous sommes généralement d'accord avec les patients pour dire que ce n'est vraiment pas gai d'être vieux ! Contre la projection de notre sentiment personnel, nous devons garder une vision neutre et médicale. Le risque suicidaire est majeur : le 1/3 des 12 000 morts par suicide par an en France concerne les personnes âgées de plus de 65 ans, surtout les hommes, en milieu rural, au domicile. Cinq signes évocateurs : l'isolement social, le tempérament impulsif, l’alcoolisation, la dépression, l’hostilité. L’interrogatoire doit donc évaluer les idées de suicide et contrairement à ce que l'on pense, les personnes âgées répondent facilement à cette question. Une hospitalisation peut permettre d'éviter un passage à l'acte. Le traitement de la dépression chez le sujet âgé objective l’utilisation des IRS. Ils sont les antidépresseurs de première intention. Le délai d'action est cependant plus long chez les personnes âgées, savoir attendre jusqu'à 6 à 8 semaines. Ils peuvent induire une hyponatrémie. L’association aux benzodiazépines à visée anxiolytique reste d’actualité, mais le risque de chute se majore. Par conséquent il faut toujours préférer les benzodiazépines à ½ vie courte (Xanax, Seresta, Temesta,) pour éviter les phénomènes d’accumulation et les conséquences iatrogènes. En gériatrie en général, en gérontopsychiatrie en particulier, le traitement médicamenteux doit être commencé à posologies faibles, augmentées progressivement: Start low and go slowly. Devant une dépression mélancolique et résistante aux médicaments, la sismothérapie garde toute sa pertinence, dans un cadre strictement hospitalier bien sur. La prise en charge institutionnelle doit être pluridimensionnelle; psychothérapie, orthophonie, ergothérapie, art-thérapie, kinésithérapie et approche corporelle, rééducation à la vie quotidienne et stimulation cognitive, concourent à l’amélioration du patient. En résumé, le médecin doit penser à la dépression devant une asthénie avec troubles du sommeil et de l'appétit chez une personne âgée et il dit alors interroger sur la vision de l'avenir ou les idées de mort éventuelles. Comment prévenir la dépression du sujet âgé ? Il n’y a certes pas de biographie sans blessure et les personnes âgées qui n’ont pas pu ou pas su faire un travail de réparation, voient leur passé resurgir, dans les rêves, dans les hallucinations ou les reviviscences douloureuses. S’ils sont seuls, les gens âgés ont tendance à ruminer et à se rendre prisonnier de leur passé. La nostalgie, étymologiquement nostos et algos c’est la douleur du retour, le mal du pays. Pour s’en sortir, il faut sortir ! La culture, les lieux de rencontre, les voyages, les associations, l’université du 3ème âge, la découverte de la nouveauté permettent d’entretenir la stimulation. Ils constituent des tuteurs de développement, dont les gens âgés aussi ont besoin comme les jeunes enfants. Tout n’est pas joué à 80 ans. Anna Freud comparait la vie à une partie d’échecs : les premiers coups sont très importants, mais tant que la partie n’est pas terminée, il reste de jolis coups à jouer. Dernière mise à jour de la page: 21 novembre 2013
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