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Gérontopsychiatrie: Mouvements anormaux et psychiatrie- Dr Alain Aspe

Gérontopsychiatrie: Mouvements anormaux et Psychiatrie

 

 

Par le Docteur Alain ASPE

Gérontopsychiatre

Montpellier

 

Introduction

Il peut paraitre inapproprié de traiter la question des mouvements anormaux du point de vue purement psychiatrique.

Les mouvements anormaux ou mouvements involontaires ou dyskinésies correspondent à un trouble de la programmation et de l’exécution du mouvement.

Ils ne sont pas contrôlés par la volonté et surviennent en l’absence de paralysie.

Il s’agit d’un sujet de neuropsychiatrie intéressant les deux spécialités, dont la séparation apparait ici surtout théorique.

Les mouvements anormaux psychogènes sont difficilement classables dans le cadre de la nosologie psychiatrique. Ils sont donc mal identifiés et sous-diagnostiqués.

Les maladies neurologiques caractérisées par des mouvements anormaux ont également une part de symptomatologie psychiatrique demandant la mise en jeu de traitements psychiatriques.

Les traitements psychiatriques nécessités par les maladies psychiatriques, et par les maladies neurologiques avec symptomatologie psychiatrique associée, peuvent eux-mêmes entrainer la production de mouvements anormaux ou dyskinésies.

Enfin ces dyskinésies augmentent en fréquence et en intensité avec le vieillissement, qui accroit les troubles de la programmation et de l’exécution du mouvement.

 

Caractéristiques propres aux mouvements anormaux psychogènes :

n Mode de début rapide.

n Nette variabilité en intensité, en fréquence, en nombre et types de territoires atteints.

n Diminution à l’épreuve de distrabilité : efficacité des tâches déviant l’attention.

n Négativité des explorations complémentaires, biologiques, électrophysiologiques, neuro-radiologiques.

n Efficacité des placebos, de la suggestion, de la psychothérapie.

n Existence d’une pathologie psychiatrique associée.

n Antécédents d’autres symptômes d’origine fonctionnelle.

 

Principaux types de mouvements anormaux psychogènes

A/ Le tremblement :

 L’un des mouvements anormaux psychogènes les plus fréquents, surtout le tremblement d’action. Il peut concerner les membres et le voile du palais.

Un mouvement régulier du pied ou de la main non atteints peut ralentir ou rendre irrégulier le mouvement anormal.

Un poids sur l’avant-bras qui tremble augmente l’amplitude du tremblement psychogène et diminue celle du tremblement organique.

B/La dystonie :

Mouvement anormal associant une posture et des mouvements anormaux.

Le trouble postural est le plus souvent fixé.

Les membres sont plus concernés que la région cervico-faciale.

La plainte est la douleur.

La femme est plus fréquemment concernée.

Les rémissions sont rares.

Le traitement passe par la kinésithérapie et la psychothérapie.

C/Les myoclonies psychogènes :

Secousses musculaires brèves plus ou moins diffuses ou systématisées à un territoire.

Elles prédominent en axial et sont souvent déclenchées par des stimuli sensitifs (lumière, petit choc)

D/ Les troubles psychogènes de la marche :

 Phobie de la marche dans le syndrome post-chute du sujet âgé :

Marche avec la recherche  d’un appui, 

Marche avec troubles aberrants de la posture  (flexion des genoux et des hanches)

Marche  sautillante.

E/ Un syndrome parkinsonien psychogène avec tremblement de repos, bradykinésie sans hypertonie.

L’image scintigraphique cérébrale des transporteurs de la dopamine est utile au diagnostic de Parkinson organique.

Il convient de ne pas se précipiter sur les traitements anti parkinsoniens, ne proposer les antidépresseurs et les anxiolytiques qu’en cas de nécessité, privilégier la kinésithérapie et la psychothérapie.

 

IL faut rappeler l’existence de mouvements anormaux physiologiques :

A/ Psychogènes :

L’émotion, la peur, la colère provoquent des accès de tremblements :

« Tu trembles, carcasse, tu as peur de la Mort »  (Turenne)

Des spasmes, ou des relâchements musculaires, au niveau de la musculature faciale (palpitations palpébrales), linguale (on reste sans voix),  pharyngo-laryngée (troubles de la déglutition), au niveau des membres (« les bras m’en tombent », » j’en ai les jambes coupées »).

B / En rapport avec des causes physiques :

On peut trembler de froid, de fièvre, de fatigue musculaire.

C/ En relation avec des apports toxiques ou médicamenteux :

Sevrage alcoolique.

Excès de café, de nicotine, de corticoïdes, d’hormones thyroïdiennes, d’alphaméthyldopa, de cordarone, de lithium, d’antidépresseurs tricycliques.

 

 

Quelques exemples de mouvements anormaux psychogènes dans les pathologies psychiatriques :

1°Dans les Troubles Anxieux avec attaque de panique, anxiété généralisée.

On observe des accès de tremblements émotionnels, parfois de très grande amplitude, une agitation motrice, des contractures musculaires de la face, des torsions des mains, une déambulation désordonnée, des « crises de nerfs » avec décharges motrices diffuses et désordonnées, cris et larmes.

Ces états relèvent d’un traitement anxiolytique, complété, s’il le faut,  d’un traitement antidépresseur  associé à une prise en charge psychothérapique.

2°Dans les Phénomènes de Conversion qui ont la caractéristique de ne pas s’accompagner d’angoisse, et de n’avoir aucun substratum organique décelable, on peut observer des tremblements,  des contractures, des clonies, des spasmes, mais aussi de pseudo-atteintes de la motricité, de la sensibilité, des capacités sensorielles.

On parle d’Hystérie de conversion ou de Pithiatisme (Babinski)       .

Les symptômes sont sensibles à la persuasion, à l’invigoration, et aux psychothérapies.

3°Dans les Psychoses :    

A/Dans la Schizophrénie :

--Le maniérisme : mimiques inadaptées, discordantes, théâtralisme.

--Les stéréotypies : de la mimique, de l’attitude,  des gestes répétitifs.

--La catatonie dans sa dimension expressive pouvant aller jusqu’à des accès paroxystiques de violence impulsive, avec cris, fureur destructrice.

Outre les contractures, on constate souvent des tremblements, des fibrillations, une hyperéflexie ostéo-tendineuse.

Ces désordres des mouvements et des actes permettent le diagnostic de psychose dissociative.

 

B/ Dans les Troubles Bipolaires :

          a/ La Mélancolie :

Gestes rares, indécis, faciès crispé douloureux, commissures labiales tombantes, front creusé de rides profondes en forme d’oméga.

La Mélancolie anxieuse peut donner lieu à des crises d’agitation anxieuse avec les mêmes mouvements anormaux que dans les attaques de panique déjà décrites.

          b/ Les Accès Maniaques :

Ils se traduisent par une agitation désordonnée, parfois agressive.

          c/ D’autres affections psychiatriques sont à l’origine d’Impulsions motrices :

Les impulsions motrices, purement automatiques, se produisent en dehors de toute affectivité.

Elles sont l’expression de la dissolution de l’activité volontaire.

--Les oligophrènes ont souvent des décharges motrices incoercibles.

--Les déments ont des décharges agressives ou clastiques.

--Les épileptiques ont des impulsions imprévisibles et dangereuses qui peuvent annoncer ou suivre la crise convulsive, ou survenir à titre d’équivalent (fugue procursive, accès de fureur).

 

 

Mouvements anormaux dans les pathologies neurologiques susceptibles de présenter une part de symptomatologie psychiatrique :

Le tremblement est le mouvement involontaire le plus fréquent.

1°Le tremblement essentiel est fréquemment observé chez le sujet âgé.

On parle alors de tremblement sénile.

C’est un tremblement de la posture, mais aussi de l’action, majoré par le stress. Il affecte les deux membres supérieurs, mais aussi le chef (type non-non) et la voix  (chevrotante).

Le traitement relève des bétabloquants, comme le propanolol (avlocardyl), ou des barbituriques comme la mysoline, la gabapentine (neurontin). Les benzodiazépines sont destinées à réduire les conséquences du stress.

2° Dans la maladie de Parkinson, c’est un tremblement de repos qui diminue avec l’action, hémicorporel ou asymétrique, pouvant toucher la mâchoire, mais pas le chef. Il existe une hypertonie extra-pyramidale et une akinésie.

Symptomatologie psychiatrique dans la maladie de Parkinson :

     a/Dépression chez 40% des patients parkinsoniens par atteinte du système dopaminergique et sérotoninergique.

     b/Anxiété :

 Les troubles   anxieux peuvent prendre l’aspect d’une anxiété généralisée, d’attaques de panique, de troubles phobiques.

Ils peuvent être induits par les traitements antiparkinsoniens (agonistes dopaminergiques ou fortes doses de L-Dopa).

     c/Illusions, hallucinations, délire. Sensation d’une présence, visions stéréotypées d’animaux, de personnages, idées délirantes de persécution, de jalousie.

Episodes de confusion anxieuse avec troubles du comportement.

Ces manifestations délirantes et confusionnelles sont souvent en rapport l’altération des fonctions cognitives.

Elles peuvent être déclenchées, ou majorées par les traitements  dopaminergiques qu’il convient, dans un premier temps de réduire.

Le recours aux traitements neuroleptiques ne peut qu’aggraver le symptôme parkinsonien, et ne peut se faire qu’avec prudence, avec une évaluation attentive et fréquente de la tolérance.

On utilisera uniquement les neuroleptiques atypiques, en se rappelant que la Clozapine (Leponex) est le seul neuroleptique à avoir l’AMM pour une psychose     chez un Parkinsonien.

3° On peut observer des tremblements Parkinsoniens, mais aussi cérébelleux                      (tremblement intentionnel qui s’accentue avec la vitesse du mouvement et l’approche de la cible)   dans les lésions vasculaires cérébrales, les séquelles de traumatisme crânien, les atrophies cérébelleuses acquises ou héréditaires, la sclérose en plaques.

Ces affections s’accompagnent souvent de symptômes psychiatriques : variabilité de l’humeur, du caractère et du comportement, épisodes confuso-délirants.

L’introduction des psychotropes, et notamment des neuroleptiques atypiques, peut se révéler nécessaire, mais ne peut que contribuer à aggraver et à entretenir les mouvements anormaux.

4° La démence à Corps de Lewy associe un syndrome parkinsonien à prédominance akinéto-hypertonique à des hallucinations sensorielles à prédominance visuelle qui peuvent inciter à introduire un traitement neuroleptique atypique toujours peu efficace et mal supporté.

5° La chorée de Huntington :

Maladie autosomique dominante (10/100000), associant une chorée et une démence avec une anomalie génétique sur le chromosome 4.

                       Sur le plan psychiatrique :

Outre les troubles attentionnels et dysexécutifs, on constate des modifications de la personnalité, du comportement (irritabilité, désinhibition, violences, conduites addictives) en faveur d’un dysfonctionnement frontal.

Les dépressions avec tentatives de suicide sont observées fréquemment.

 Il n’y a aucun traitement étiologique. Le traitement est psychiatrique, symptomatique : Neuroleptiques atypiques. Benzodiazépines. Antidépresseurs.

                             : Carbamazépine ( Tegretol). Tétrabénazine (Xenazine).

 6° La Maladie de Gilles de la Tourette :

Faite de tics complexes, s’accompagnant de vocalisations et de TOCS.

 

 

Mouvements anormaux iatrogènes :

Mouvements anormaux d’apparition rapide. Rares chez le sujet âgé.

--Dystonies aigues :

Dans les 3 à 5 jours après prescription des neuroleptiques, dangereuses en cas de laryngospasme.

--Syndrome malin des neuroleptiques :

Très rare, mais très grave chez le sujet âgé : hyperthermie, choc cardio-respiratoire, rigidité musculaire, dyskinésie de la face et de la langue, mouvements dystoniques ou choréiques, troubles de la conscience.

 

 

Mouvements anormaux tardifs : Les Dyskinésies tardives.

La dyskinésie tardive est un effet indésirable d’apparition tardive des anciens médicaments antipsychotiques, appelés neuroleptiques.

Elle est caractérisée par des mouvements répétitifs involontaires, saccadés ou non, qui cessent lors du sommeil.

Elle peut être source d’invalidité par son aspect fonctionnel et social.

La physiopathologie des dyskinésies tardives est mal connue. Elle mettrait en jeu une plasticité striatale inappropriée.

Les sujets les plus à risque sont les sujets âgés polymédiqués.

Les neuroleptiques sont les médicaments les plus souvent en cause, 20 à 40% des patients ayant été traités par des neuroleptiques classiques en seraient atteints.

Il faut penser à rechercher l’utilisation des neuroleptiques cachés                       (ex : le Primpéran).

 

A/ Expression clinique :

Dyskinésies bucco-faciales, du tronc, des membres, akathisie, parfois mouvements plus complexes choréiques, dystoniques.

B/ Schéma thérapeutique :

---L’arrêt du médicament en  cause ne permet pas malheureusement la guérison dans la moitié des cas.

---Si la pathologie psychiatrique nécessite le maintien d’un traitement neuroleptique, il convient de choisir un neuroleptique atypique de nouvelle génération en cherchant la posologie minimum efficace :

Rispéridone, Olanzapine, Amisulpride (Solian).

---Puis utiliser, si nécessaire, un antiparkinsonien de synthèse, non dopaminergique (Akineton 4mgs LP – Lepticur).

---Dans une étape suivante, on peut faire appel aux traitements dits suppresseurs :

Vitamine E, Benzodiazépines, Bloqueurs des canaux calciques, Antagonistes noradrénergiques, Clozapine (Leponex).

---Puis les dépléteurs en dopamine : Réserpine. Tétrabénazine (Xenazine).

---Dans les formes les plus sévères, on peut proposer un traitement neuro-chirurgical : stimulation pallidale interne bilatérale continue.

 

 

Conclusion :

Le sujet des mouvements anormaux ne peut pas être abordé sous l’angle purement psychiatrique, notamment chez le sujet âgé polypathologique et polymédiqué.

On doit se poser en premier la question de l’origine iatrogénique.

Le diagnostic et la thérapeutique relèvent d’une approche pluridisciplinaire avec intervention conjointe de neurologues, de psychiatres, de biologistes, de neuroradiologues, de médecins de médecine physique, de kinésithérapeutes, de psychologues,  de psychothérapeutes, parfois même, en dernier recours, de neuro-chirurgiens, sans négliger les travailleurs sociaux, les services de soins à domicile, les familles, et les équipes soignantes des institutions.

 

Références :

---« Mouvements anormaux psychogènes », Jean-Philippe Azulay, Service de Neurologie, Hôpital de la Timone. Marseille. Neuropsy News, Volume 5, n°2 Mars-Avril 2006.

---«  Mouvements anormaux et Psychiatrie », Claire Meynel et Philippe Damier. Clinique neurologique- Centre d’investigation clinique. Inserm 643- CHU Nantes. Neuropsy News, Volume 5, n°2, pages 80-84. Mars- Avril 2006.

---« Orientation diagnostique devant des mouvements anormaux (322) »   Référentiel national- Collège des Enseignants de Neurologie (version du 30/08/02)

---« Mouvements anormaux » : Pr Paul Knack- Mai 2004-  Faculté de Grenoble, Site d’Enseignement en Neurologie du Collège des Enseignants en Neurologie à Grenoble ;

---« Manifestations psychiatriques de la Maladie de Parkinson. A .Cohen, Paris- Gérontologie pratique N° 214-215, cahier 1. Février Mars 2010, pages 14-16.

---« Maladie de Parkinson: Troubles psychiques et comportementaux.» : Daniel Delgadillo-Iniguez,  Jean-Christophe Corvol,  Marie-Christine Gely-Nargeot, Lucette Lacomblez.

Psychologie et Neuro-Psychologie du vieillissement. Volume 4- Numéro spécial 1- Décembre 2006.

---« Mouvements anormaux du sujet âgé » : F. Bloch- A.M.Bonnet- M.L. Welter. Neurologie- Psychiatrie- Gériatrie- Année 3, Mars- Avril 2003.

 

 

Article mis à jour le 30 novembre 2011

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
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