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Graphosphère : Dr Pierre Decourt
Dr Pierre Decourt : AMOUR, A MORT DE SOI


Parler de l'amour de soi ou de la mort de soi s'inscrit dans la rapport général que nous entretenons avec nous même. Il s'agit d'un rapport complexe fragile, souvent conflictuel!

Ma contribution vise à montrer

- dans un premier temps qu'il ne peut y avoir de conscience de soi sans un investissement érotique de soi.

- Cette conscience de soi est contemporaine de la construction de l'image de soi:

- Décrire rapidement cette opération sera l'occasion d'un plaidoyer en faveur du rôle déterminant de la sexualité infantile( Wildlocher) je montrerai la forte corrélation existant entre sexualité, construction de la représentation de soi, et identité.

j'essayerai de montrer à partir du mythe de Narcisse qui constituera le fil rouge de ma démonstration la double polarité du narcissisme telle que la psychanalyse l'a théorisé dans ses aspects organisateurs et ses soubassements destructeurs (Green)

- Puis je m'attacherai à souligner, si le temps le permet, les avatars de cette construction, en ouvrant la discussion sur le versant de la psychopathologie en m'appuyant la encore sur le mythe inépuisable de Narcisse.

Apologie de la sexualité infantile

Qu'est que la sexualité infantile?

Definissons d' abord par ce qu'elle n'est par ce qu' elle nest pas!

c'est n'est pas à un ersatz de la sexualité de l'adulte, une sexualité étriquée à minima. Elle n'est pas un modèle réduit de la sexualité de l'adulte! La sexualité est ce lieu ou l'inconscient travaille .On parlera de psychosexualité.

Le rôle de la séduction

La sexualité infantile via la séduction a une fonction exploratoire essentielle. Elle permet à l'enfant de découvrir ses propres contours, d'opérer un discernement entre l'intériorité de son corps, la surface de celui ci et les objets.

Pour comprendre la spécificité de sa fonction il faut se soustraire a la vision qui nous est proposée aujourd 'hui de la sexualité infantile sous une pression médiatique en mal de sensationnalisme, représentée dans sa seule dimension violente traumatique dont Le modèle est celui de l' enfant séduit par un adulte. IL s'agit là d'une sexualité qui n'est pas une puisque le traumatisme subi écrase durablement le capacités de symbolisation de l'enfant soumis à une excitation qu'il ne peut intégrer. elle ampute les capacités de mémorisation de l'expérience et ampute le sujet d'une partie de lui même au sens ou cette expérience se trouve clivée de son moi ( la mémoire blessée Ricoeur)

Cette forme de séduction caricaturale existe trop fréquemment mais cette vision très réductrice ne doit pas faire oublier d'autres formes de séduction plus pernicieuses (Racamier)

Ferenczi en son temps a dégagé certaines formes de séduction liées à la confusion des langues qui existent entre les adultes et les enfants. Elle tient au caractère énigmatique de la langue que les adultes utilisent pour s'adresser aux enfants. Leur caractère énigmatique est alors porteur d'un pouvoir excitant dommageable, facteur d e trouble et d'ambiguïté. Que me veut il?

L'irruption de la sexualité dans la vie psychique est toujours porteuse d'un potentiel traumatique. Sexualité vient de secarer , couper, separer. Elle inflige au moi l'épreuve de l' intégration de ses composantes masculines et féminines(bisexualité) et le confrontant à la différence des sexes, aux angoisses de castration

Mais la séduction est aussi porteuse d'une dimension organisatrice:" être séduit ou séduire la mère nourrit alors des échanges essentiels le plaisir de la découverte , d e l ' exploration

elle contribue au développement de la personnalité de l'enfant c'est à dire au développement de son identité. *

La fonction sexuelle!

c'est la mise en jeu des différentes activités auto-érotiques qui permet l'investissement libidinal des fonctions corporelles. Les activités de succion du sein , de rétention, d' expulsion anale sont les paradigmes de l'activité auto-érotique source d'un plaisir reproductible qui donne un conscience émotionnelle progressive à l'enfant de sa propre réalité corporelle et de ses exigences instinctuelles.

-Ces activités organisent l'espace , le dedans le dehors, délimitent la barrière corporelle

-Ce jeu introduit un certain degré de temporalité rythmé par le plaisir; le plaisir pendant d' un avant, d'un après l'expérience, mais aussi du manque et de son compagnon fidèle, la souffrance!

-De plus l'enfant apprend vite que la recherche du plaisir chasse les expériences d'angoisses et de solitude.(le balancement des autistes le merycisme)

Mais toute la question tourne autour de la nécessaire coordination de ces activités auto érotiques. En fonctionnant pour leur propre compte elles seraient responsables alors d' une anarchie et d' un défaut d'organisation et d'unification de tous les éprouvés somato-psychiques.

Le fonctionnement en boucle

Deux exemples qui illustrent la folie auto - érotique

-Freud;

" les lèvres qui se baisent elle mêmes" : un plaisir auto suffisant qui coupe le sujet du monde. Autisme!

- Alexis Piron petit poète de mirlitons dans l'ode à Priape

" Oh le beau et pale Narcisse brûlant du désir de se foutre lui même, meurre en tachant de s'enculer!"

c 'est à partir des formes psychopathologiques selon une procédure typiquement freudienne que l 'on pourra explorer Comment va s'effectuer la coordination des différentes activités auto érotiques, et leur conférer une porté universelle

Le Narcissisme et sa fonction spéculaire

quelques en soient les interprétations- plusieurs centaines- le mythe de narcisse s 'organise autour de la problématique de l 'image et de la perception et de l 'illusion qui l' accompagne. Il comporte une dimension spéculaire.

Freud est aller puiser dans la mythologie pour forger ce concept qui décrit ce temps unificateur et donne aux différents auto -érotismes une coloration structurante

Pourtant c'est précisément ce qui fait défaut à Narcisse que Freud prend en exemple pour illustrer la coordination des auto-érotismes. Le miroir que constitue le reflet de l'eau dans laquelle narcisse se mire ne lui permet pas de s' auto- éprouver, de s' auto- observer et de construire une image de lui même.Il ne peut percevoir son double ni l identifier dans ce miroir naturel. Winnicott considérera que le regard de la mère porté sur son enfant, aura les propriétés du miroir reflétant l' image de son enfant, dans laquelle il pourra se reconnaître.

Ce moment de perception de l'image de soi, dans le miroir ou le regard de l'autre est un temps spéculaire fugace

la séduction de sa propre image perçue par l'enfant perçu par l'enfant dans le regard la mère participe à la construction d’ une auto-représentation de soi, à la création et à l'intégration d'une image interne de soi, support futur de l'identité à partir précisément de ce que la mère renverra à son enfant des effets de la séduction sur son propre imaginaire.

L'image de soi sera reconnue et identifiée d’abord comme ombre, reflet, image d’abord indéfinie puis comme double permettant l' identification du sujet à son image

Naîtra une relation, entre soi et cette image internalisée de soi. Temps de reconnaissance de sa propre image, constitutive du double comme matrice de soi, passage obligé sur la voie de la différenciation entre le même et le différent, le soi et l’objet.

Séduire l’autre soi- même. Les effets en retour contribuent à " l' investissement érotique infini de sa propre image  "

et permet au sujet de s’auto-éprouver, grâce à sa capacité d’auto-observation en perpétuelle alerte. Cette perception est source d'une érotisation fondatrice, en raison du plaisir auto-érotique que l'activité scopique procure si elle est investie par le sujet et l' environnement . Ce plaisir inscrit une trace qui conduira, à la construction de l'image de soi Construire une mémoire de soi!

Amour de soi et identité sont intrinsèquement liés!

Comment s'aimer sans être ? Comment être sans s'aimer?

L'identité est une instance complexe

Se dessine ainsi une opposition interne irréductible entre;

L'existence d'un noyau de permanence ou de continuité qui comme un fil conducteur permet la reconnaissance de soi, par soi même ou par autrui, et assure de fait " une mêmeté avec soi même" - il s'agit d'une fonction du narcissisme, qui vole au secours du moi menacé. Cette possibilité de se reconnaître est essentielle, elle suppose l'inscription mémorielle d'une image de soi.

Pour Derrida , c'est cette mémoire de soi , qui quand on parle sans voir, dirige notre propos et les mouvements de notre corps, assure notre sentiment d'appartenance. elle nous permet en principe malgré les vicissitudes du temps de nous reconnaître grâce au dialogue permanent que nous entretenons avec nous même

- La marque d'une différence, qui assure la singularité subjectivante- dont le je en est l'expression la plus affirmée, en ce qu'il " objective" la double différence des sexes et des générations. On pourrait dire de ce point de vue, contrairement au poète, que je n'est pas un autre, (alors que moi est un, ou plusieurs autres) mais une instance différenciée et " différenciante" qui propulse le sujet vers son destin singulier.

A mort de soi, narcissisme et mort

Freud ne retient d'abord que la dimension spéculaire du mythe de narcisse, c'est à dire la dimension organisatrice. Or comme dans tout mythe, il existe une dimension polysémique.

Le mythe de Narcisse est porteur d'

-Un aspect créatif, spéculaire, donnant naissance à l'image de soi. cette image devient un objet érotique pour la mère. L'amour de soi n'est que le prolongement de l'amour de l'autre pour soi!

- Un aspect végétal Le narcisse (Narkos )depuis la plus haute antiquité apparaît comme une fleur séduisante, fascinante qui peut entraîner la mort; elle a des propriétés narcotiques; fleur de l'illusion et de la séduction, elle est une fleur funèbre. Elle pousse en lieu et place de la dépouille de Narcisse

Elle a des effets hypnotiques qui modifient les perceptions, révélant le pouvoir effrayant de l'illusion , de la démence;

Narcisse comme soumis aux effets enivrants de la plante ignore que ce reflet est son reflet. IL ne peut n'y l'identifier, ni s' y identifier!

Toutes les interprétations du mythe son unanimes ;lorsque Narcisse se voit dans la source, ce n' est pas lui qu'il croit voir, mais un autre. IL tombe amoureux de cet autre, un autre homme qui échappe sans cesse à sa convoitise dont le beauté le fascine, sans savoir que c'est son propre reflet dans l'eau, son double qui l'attire.

Narcisse est fasciné par le reflet perçu qui l'aveugle, l'anesthesie!

" IL prend son reflet pour une réalité en soi, sans voir qu'elle en est elle même la source" .(Pierre Hadot p101)

Narcisse souffre d' une carence des auto érotismes, d'un trouble identitaire, qui l'empêche d' opérer cette distinction fondatrice entre lui même et autrui.

Si il avait conçu un image interne de lui même, stable et reconnaissable, la méprise ne se serait pas produite! La symétrie entre ce reflet et l'image intériorisé de lui même ne lui aurait pas échappé

Parmi toutes les interprétations du mythe, Seul Ovide considère que le suicide de Narcisse est imputable au fait que prenant conscience de son erreur il mis fin à ces jours, une forme de dépit qui suppose ainsi que Narcisse aie put se dégager des effets curarisants du reflet.

Il est tentant pour l'esprit de se laisser emporter par nos associations qui conduisent à un autre mythe qui met en scène une autre expérience spéculaire célèbre

-le mythe de la caverne de Platon

métaphore de la voûte céleste

bien qu'il ne s'agit pas là de reflet mais d'ombre projetée les acteurs sont plongés au sein d'une expérience spéculaire singulière

le dispositif

le scénario

le commentaire de Heidegger sur la doctrine de la vérité chez Platon

nos sens sont trompeurs, l'illusion perceptive nous aliène dans

on peut considérer que l'ombre est ce qui projeté sur un écran ce qu'ils voient ils le prendraient pour ce qui est! les ombres des objets seraient la vérité. Ils attribuaient les mots entendus aux ombres alors qu'il sont prononcés par les hommes qui passent derrière les prisonniers

l'éclat de la lumière empêchaient de voir les choses le prisonnier libérés reviendraient le yeux brûlés par la lumière du soleil difficile dans ces conditions de convaincre les prisonniers enchaînés qu'il sont victimes d'une illusion, ceux précisément qui n'ont pas le moindre soupçon que son réel puisse n' être qu'ombre:

le reflet pris comme réalité en soi est aliénant

les reflets ne sont que pure fantasmagorie

Les beautés du monde visible ne sont qu'un reflet et une image fugitive trompeuse

Discussion

Deux points

1) Comment se fait t'il que le reflet que l'enfant perçoit dans le regard de sa mère n'est pas source d'aliénation alors qu' on observe à la lumière de ces deux mythes que la perception de l'ombre et du reflet sont sources de confusion?

la fonction du double

Le thème du double joue un rôle dans l'activité de représentation de soi via l'identification au même, encore faut il que ce même soit reconnu comme tel!

Pourquoi l'enfant n'est il pas soumis aux effets aliénants du reflet ?

le rôle déterminant de l'imaginaire maternel renvoie à son enfant autre chose que l'illusion aliénante de la pure symétrie, du reflet, à savoir sa différence ce qui permet à l'enfant de bénéficier de l 'investissement de son corps propre tel que la mère le perçoit

2) la dimension paradoxale du mythe; organisatrice et folle à la fois

Comment peuvent coexister les deux termes du paradoxe potentiellement porteur de confit?

Entre

- Une tendance qui possède une vertu unificatrice et séparatrice qui tend vers le un (subjectivation)

- Une tendance opposée qui irait vers la fusion, la confusion, le zéro, responsable de l'indistinction entre le monde externe et le monde interne, entre celui des reflets et la réalité

LA VOIE DE LA SUBLIMATION

Création et sublimation opèrent une neutralisation relative de la destructivité

Du paillard Alexis Piron à la brûlante Sœur IGNES DE LA CRUZ dans l'auto sacramental du divin narcisse!

" je vois ce à quoi j'aspire

mais je n e peux en jouir

et dans l'angoisse d'y parvenir

d'une mortelle inquiétude je souffre

je ne peux pas me tromper

car ma science comprend bien

que c'est ma propre apparence

qui a causé ma peine.

Deux exemples

- narcisse qui est fasciné par le eflet precu

- et l'allégorie de la caverne de Platon " la réalité visible n'est que le reflet du monde des idées" c'est la fuite du prisonnier libéré de ses entraves qui découvrent le monde tel qu'il est: le problème de la vérité

Le pouvoir maléfique des miroirs et des surfaces brillantes; l'eau joue un rôle capital, elle assure la liaison entre le coté végétal et l'aspect humain de l'histoire

Decourt P. La perte et l'identité R.F.P 1999 N°

La relation au double narcissique se différencie de la relation homoérotique par le caractère idéalisé des projections sur l'autre soi même.

Guillaumin J. L'objet de la perte dans la pensée de Freud;48°congrés des psychanalystes de langue française des pays romans: Genève 1988.

Cahn R. " Moi et je ne sont pas réductibles l'un à l'autre" , in Bulletin de la S.P.Pn°19 1991

Musil robert; l' homme sans qualité t; 2, chap xlvI .La liaison intime entre l'amour incestueux et l' amour de soi même.


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