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Sortir de l'échec scolaire 1 - Dr Anne Lorin

 Dr Anne Lorin

Pédopsychiatre  à  Montpellier

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                      Sortir de l’échec scolaire

 

Eden, 9 ans, souriant, les cheveux en bataille entre avec énergie dans mon bureau.

« Le problème, c’est que je n’aime pas l’école. Je préfèrerais aller dans la garrigue, regarder les oiseaux, grimper dans les arbres, aller dans les grottes.

C’est ennuyant de rester sur une chaise, alors je préfère regarder dehors. » Eden assis à côté de la fenêtre, voit passer « des tourterelles, des palombes, des grives, et des fois des merles ».

« Et aussi, je suis nul, même la maitresse elle le dit : je trouve nul qu’elle dise que je suis nul. » Ma première impression est plutôt positive : ce garçon a du vocabulaire, ses noms d’oiseaux différencient la variété des volatiles, et son estime de soi n’est pas complétement effondrée : il a des ressources.

 

Clara a 14 ans, elle dessine dans la salle d’attente, silhouettes manga, le trait est sûr, le résultat époustouflant ; elle quitte comme à regret sa chaise, et me suit en trainant un peu les pieds. Elle est vêtue d’une improbable robe à fleurs d’un autre âge. Ses cheveux bruns font rideau devant la pâleur de son visage tendu et méfiant : des psy elle en vu d’autres. Cela fait 3 ans qu’elle ne va plus au collège, elle s’ennuyait. Elle passe ses journées en ligne, les cours du CNED s’empilent toujours vierges.

 

Les difficultés scolaires sont un motif de consultation fréquent  (près de la moitié). L’échec scolaire concerne le pédopsychiatre car un enfant qui rate son parcours scolaire en est le plus souvent malheureux, construit une estime de soi fragile.

Une évaluation précise est indispensable, à la recherche du diagnostic. Les entretiens  avec l’enfant, avec les parents seront ensuite complétés par différents bilans, orientés par les signes repérés chez l’enfant :

Les bilans ORL, orthophonique, logico-mathématique, psychomoteur, neuro-visuel.

Les tests d’hyperactivité, de déficit attentionnel.

Le QI est souvent utile ; le QI global a peu de sens ; l’étude des subtests des 4 indices : CV (compréhension verbale), RP (raisonnement perceptif), MT (mémoire de travail), VT (vitesse de traitement) apporte des renseignements précis sur les points forts et les points faibles de l’enfant.

Le bilan permet de mettre en lumière les points forts et les faiblesses de l’enfant, poser un diagnostic, afin d’indiquer toutes les aides (à la maison, à l’école, et  les suivis paramédicaux)  pour que l’enfant puisse trouver sa place et tirer le maximum de ce que l’école peut lui apporter dans la construction de sa vie.

Même si le pédopsychiatre s’occupe des causes individuelles de l’échec scolaire, son expérience éclaire aussi les causes plus générales et permet de dégager quelques pistes pour la réussite des enfants, et pas seulement pour ceux qui consultent.

Parmi ces causes, retenons en deux : le rôle des écrans, et la baisse du niveau d’exigence : dans ces deux domaines aussi, le rôle des parents peut être décisif pour l’avenir des enfants,  en limitant l’accès aux écrans, et augmentant le niveau d’exigences.

Nous allons présenter les différentes causes d’échec scolaire, accompagnées de conseils pratiques pour soutenir l’enfant et le remettre sur les rails de sa réussite.

 

 

                           LES ENFANTS «DYS »

 

Ces enfants « dys » ont quelque chose qui entrave leurs apprentissages, « dys » signifie difficulté ; la plus connue, la difficulté à apprendre à lire, la dyslexie, impacte tous les apprentissages scolaires car tous les exercices commencent par une consigne à lire, même en maths.

Dans les causes de « dys », a été incriminée la position sur le dos des bébés - imposée depuis 1994 car elle réduit le risque de mort subite du nourrisson - car elle ne permet pas un bon développement et une bonne  coordination de la musculature antérieure ; pour y pallier, il faut proposer au bébé dès qu’il est réveillé la position sur le ventre, dans une relation étroite avec l’adulte qui le sollicite, l’encourage ; et bien sûr il faut continuer à coucher le bébé sur le dos dès qu’il n’est plus sous surveillance étroite et pour le sommeil.

 

LA DYSPHASIE :

Myriam a 10 ans et l’envie de communiquer, qui passe par son regard qui cherche de l’aide.  Son souci, c’est à l’école, les copines ne veulent pas d’elle : « va t’apprendre à parler après tu reviens nous parler » lui disent-elles, rapporte Myriam. Et aussi le travail est difficile, les notes ingrates. Son père ajoute qu’elle rougit quand ses frères montrent leurs bonnes notes.

Elle souffre de dysphasie : c’est un trouble du langage oral : les mots entendus ne font pas sens. C’est un déficit du décodage des sons. L’enfant a des difficultés à trouver les mots, il est « en panne de vocabulaire »1 .

A ce problème de décodage, se rajoute un  trouble de l’accès à la syntaxe avec une difficulté à utiliser singulier et pluriel, les bons pronoms personnels,... Par exemple quand je demande à Myriam ce qu’elle aimerait faire plus tard : « avocate, il parle avec les autres qui a des soucis » elle exprime son désir de parler, et même de devenir une professionnelle de la parole.

L’enfant dyspraxique progresse plus vite dès qu’il commence à lire : voir le mot écrit aide à le décoder, permet de le prononcer : le support visuel est plus utile que la répétition orale d’un mot.

Le suivi de Myriam a duré des années, rééducation orthophonique, soutien psychologique, réassurance des parents et de l’équipe pédagogique sur les capacités de Myriam, jusqu’à la fin de ses études : elle a choisi un métier tourné vers les enfants, et va se marier, elle est épanouie, et a gardé des particularités dans sa façon de parler : au sujet de son fiancé qui a quelques années de plus qu’elle, elle dit : «sortir avec un homme qui a un an de plus ça sert à rien, c’ est comme sortir avec son sosie ».

 

DYSLEXIE, DYSORTHOGRAPHIE ET DYSCALCULIE

    La dyslexie, c’est la difficulté à apprendre à lire. A la fin du CE1, l’enfant n’y arrive toujours pas, pourtant il est évident qu’il est intelligent : à l’oral, il se débrouille très bien, même si une oreille attentive perçoit qu’il invente un mot de temps en temps.

Il s’agit d’un trouble du langage écrit, dont le diagnostic ne peut être posé avant 7-8 ans, après deux ans d’apprentissage de la lecture. L’enfant confond les sons, inverse les syllabes. Les mots écrits n’ont pas de sens.

Il y a 2 voies de lecture :

-                    La voie d’assemblage : transformer une lettre en son,  assembler ces lettres-sons en syllabes, qui vont être assemblées en mots : c’est cette voie qu’utilise la méthode de lecture syllabique, B-A BA.

-                    La voie d’adressage : comparer le mot entier à son stock lexical personnel : c’est la voie développée par la lecture globale : BALEINE est reconnu en entier sans passer par le déchiffrage des syllabes ;  l’adulte la préfère car elle est plus rapide (sauf pour les mots nouveaux et les noms propres, pour lequel il recourt à la lecture syllabique)

La dyslexie peut toucher une de ces voies ou les deux (selon la zone du cortex altérée)

Avant de poser le diagnostic de dyslexie, il faut éliminer d’autres causes de retard de lecture : un trouble de l’audition, une indisponibilité de l’enfant reliée à un contexte familial perturbé, une immaturité, une dépression, un trouble de la personnalité,…

La dysorthographie est souvent associée à la dyslexie : l’enfant

écrit phonétiquement, il transforme mal les sons en mots.

Florence, 9 ans, a écrit un petit mot à  ses parents :

« Ja plie queraits les règles de la maison (…)

Je fais de tout mon possible mais si vous voiller je ni

 a rive pas jaime raibien mais se leman je ni a rive pas (…) »

 

La dyscalculie : l’enfant est incapable de faire des opérations, et d’utiliser correctement les chiffres

 

LA DYSPRAXIE

Les cahiers de Sandy, 8 ans, sont illisibles, et elle ne sait toujours pas nouer ses lacets de chaussures.

 

La dyspraxie est un du développement moteur, avec trouble de la coordination, et trouble des apprentissages moteurs.

Il touche l’écriture, l’habillage, l’utilisation de couverts / baguettes, le maniement d’outils

C’est un trouble de la planification et de la coordination de mouvements déterminés.

La dysgraphie est la forme de dyspraxie qui touche l’écriture manuscrite.

Le WISK montre un indice de compréhension verbale supérieur à l’indice de raisonnement perceptif.

 

 

                    AIDER LES ENFANTS DYS1

Chaque trouble « dys » est un handicap qui va durer ;  aussi il est très important de mettre en place dès que le diagnostic a été posé les aides :

-                    Rééducation appropriée : orthophonique, psychomotrice, neuro-visuelle

-                    Apprentissage de l’usage de l’ordinateur dès que possible, par ergothérapeute (traitement de texte, correcteur d’orthographe, logiciels adaptés)

-                    A l’école : PAI, et temps supplémentaire

-                    A la maison :

1-           La présentation

Elle est très importante car une page écrite est une masse informe pour l’enfant dyslexique :

-                    texte en gros caractères, alignés, aérés

-                    marquer la marge gauche du texte avec surligneur de couleur

-                    surligner chaque ligne avec une couleur différente

-                    un seul exercice par page

                                    2- lui lire les consignes écrites, les énoncés de problème

                                    3- les tables de multiplication sous les yeux

                                    4- le faire travailler à l’oral dès que possible

                                    5- lui lire les questions avant la lecture d’un texte à étudier, il pourra surligner les passages se rapportant à chaque question

 

Et continuer à lui lire des histoires et autres livres.

 

1 ces recommandations sont inspirées du remarquable livre d’Olivier Revol « même pas grave ! l’échec scolaire, ça se soigne », Ed Jean-Claude Lattes, 2006


 mis en ligne le 17 mai 2016

 
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