Accueil | Congrès | Vidéos | Textes | Téléchargement MP3 | Liens | Contact
Menu

Graphosphère : Dr Pierre Decourt
Dr Pierre Decourt : ENTRE CLIVAGE ET CONFUSION


     C'est le psychiatre et non la psychiatrie qui s'oppose à la psychanalyse.

             S. Freud([1])

     Il ne serait pas du tout impossible que ces contre indications (psychoses, états confusionnels ,mélancolies profondes) cessassent d'exister si l'on modifiait la méthode de façon adéquate et qu'ainsi puisse être constituée une psychothérapie des psychoses.

             S. Freud([2])

     Pour moi il a été extrêmement intéressant de découvrir qu'autant le travail avec des patients gravement malade nous aide à comprendre les conflits les plus profonds des individus moins malades,autant le travail avec les moins malades nous aide à comprendre les patients beaucoup plus malades ,et donc,dans bien des cas s'exprimant plus difficilement.

             H. SEARLES([3]3)

 

 

           Notre intention au cours de cette contribution visera moins à développer les interactions entre psychiatrie et psychanalyse qu'à tenter de réfléchir aux problèmes internes,et épistémologiques que soulève l'exercice conjoint des deux disciplines.

           L'analyste peut être confronté à la pathologie psychiatrique en différentes occasions.

           - lorsqu'il exerce une double activité de psychanalyste et de psychiatre .

           - ou lorsque  dans le déroulement de certaines cures, il devient le témoin de l'irruption de désorganisations psychotiques généralement passagères de l'activité du moi.

 

Influences et Resistances

 

     Si les pratiques spécifiques à chaque discipline ont pour objet la souffrance psychique,elles s'observeront toutefois selon des angles extrêmement différents.Cette différence s'est trouvée amplifiée avec l'évolution de la pathologie mentale,dont les modes d'expression,leur causalité,et les réponses qu'elles appellent,ont bouleversé les modèles référentiels habituels. Ces disciplines gardent des points de vue souvent contraires,tant dans leurs buts que dans leurs éthiques respectives.

     L'intérêt commun partagé initialement par Freud et les psychiatres,a porté sur les états hypnoïdes et la pathologie hystérique ,et a semblé dés l'origine prometteur.Se sont tissés,des liens tenaces, entre ces deux disciplines, faits de réciprocités,de malentendus et de conflits;Ces conflits,parfois féconds, étaient animés par une difficulté concernant chacune d'entre elles, à définir ses propres limites,son propre champ d'action,ou ses prérogatives.Les enjeux ont été de niveau " identitaire" . Ces conflits font partie de notre héritage.Ils fleuriront avec le temps,et les époques, même si leur objet reste le même, à savoir le rôle que Freud attribuera à l'inconscient ,rôle contesté longtemps et peut-être aujourd'hui plus qu'hier par la communauté médicale et psychiatrique internationale.

     Freud pour sa part a largement contribué à soulever des réticences considérables chez les psychiatres, à la communauté desquels il n'appartenait pas. En voiçi quelques bréves illustrations;" tous ces psychiatres et psychothérapeutes qui font cuire leurs petits potages sur notre feu sans même se montrer reconnaissants de notre hospitalité,ces soi disant savants qui ont coutume de s'approprier les découvertes intéressantes de la science...([4]).

Dans le cadre même de la médecine ,la psychiatrie,il est vrai,s'occupe de décrire les troubles psychiques qu'elle observe et à les réunir en tableaux cliniques,mais dans leur bons moments, les psychiatres se demandent eux mêmes si leurs arrangements purement descriptifs méritent le nom de science.([5])

           Afin d'essayer de comprendre comment les interactions théorico-cliniques entre psychiatrie et psychanalyse peuvent se concevoir aujourd'hui,il convient d' examiner les enjeux épistémologiques,et praxéologiques qui différencient ,et singularisent psychiatrie et psychanalyse..

           En renouvelant la réflexion sur la folie, la psychanalyse opère un glissement de perspective grâce auquel la différenciation entre l'irrationnel et le normal devient plus difficile à saisir.Ainsi en faisant l'hypothèse d'une continuité structurelle entre processus morbides et processus psychiques " normaux" , Freud considère qu'il est en mesure de démontrer que la folie est l'oeuvre de l'emballement de certains mécanismes inconscients qui habitent chacun d'entre nous, à notre insu.La folie est susceptible de devenir l'objet d'une connaissance rationnelle,plénitude offerte à la connaissance scientifique pour devenir théorie à partir de l'étude de nos propres pensées ,fantasmes,rêves etc....

           De ce fait, la folie est considérée comme distance prise par rapport à la raison,comme écart relatif , au sein duquel l'expérience subjective se déploie.Cela definit une opposition franche entre psychanalyse et psychiatrie;la référence au pathos constituant pour la psychiatrie le point à partir duquel une logique classificatoire,un pronostic, un traitement s'instituent .Selon Freud" la psychiatrie reste incapable de donner des explications aux phénomènes observés" .

           On ne pourra cependant nier qu' elles procédent l'une et l'autre d'un même mouvement objectivant dont l' intention vise au dégagement de principes scientifiques.Toute interprétation animiste ou syncrétique du " mal" soit en termes de possession ou d'appartenance diabolique surnaturelle est récusé par chacune des deux disciplines.

           La psychanalyse va cependant plus loin, prétendant constituer à elle seule une science.Sa démarche se singularise lorsque en affichant la continuité des processus psychiques à l'oeuvre dans la folie et dans l'état normal, non seulement le modèle organiciste paradigmatique,causaliste s'effondre, mais elle poinçonne de manière irréductible son originalité.Actes manqués,lapsus,affichent la discontinuité de l'activité du Moi,du fait de son hétérogénéité structurelle, discontinuité qui s'articule et s'oppose à la fois à la continuité qu'elle suggère entre folie et activité psychique " normale" .

           Pourtant,le retour en force de la théorie du traumatisme aura rapproché un temps les deux disciplines ,en inférant à une causalité plus ou moins repérable l'origine des désordres;la connexion objectivante proposée entre une altération organique et certains troubles psychiques avait en effet quelque chose de profondément logique et de cohérent.Cette approche découle d' un des axiomes fondamentaux de la pensée Kantienne à savoir le principe de causalité(" tous les changements arrivent selon la loi de liaison entre la cause et l'effet" ) .

           Le temps de la réconciliation épistémique,avec le retour de la théorie du traumatisme via la théorie de la séduction précoce, aura été bref même si le modèle causaliste n'est pas absent de l'oeuvre de Freud,loin s'en faut.Son intérêt pour la théorie du traumatisme évoluera mais ne faillira jamais,et c'est bien injustement qu'une tradition philosophique française ( P Ricoeur  et J Hippolyte ) a considéré que l'irruption inattendue de ces " impuretés causalistes" devait être expurgée de toute référence métapsychologique digne de ce nom,afin d'assigner à la psychanalyse une fonction exclusivement herméneutique. cf P L. Assoun.([6])

           En réalité le débat de fond est le suivant ; la fonction thérapeutique de l'analyse reste-elle comme seconde par rapport à sa fonction épistémologique et explicative,en quoi elle s'opposerait de maniére irréductible à la démarche " médico-psychiatrique" ,dont la finalité plus pragmatique vise la disparition du symptôme.

 

Pychanalyse et psychothérapie institutionnelle:un malentendu?

 

               Si le formidable espoir que portait avec elle la psychanalyse s'est sensiblement modifié ces dernières décennies, son influence aujourd'hui au sein des milieux psychiatriques reste bien présente,certes marquée d'une ambivalence significative, comme le font remarquer très justement les auteurs de l'argument proposé .

           Freud fut le premier à élargir en les extrapolant les découvertes nées de l'étude de l'inconscient,les appliquant à des champs d'étude autres,la pathologie psychiatrique étant originairement désignée pour fournir aux concepts métapsychologiques un terrain d'étude et d' application privilégiés. La psychanalyse influença à la fois la compréhension de la maladie mentale, et favorisa le développement et l'organisation des structures chargées d'accueillir les patients ,ainsi que les pratiques institutionnelles.

           Pourtant le retrait historique de Freud de l'institution soignante pour des raisons liées à l'extrême complexification des problèmes transférentiels ne parait pas avoir focalisé pleinement l'intérêt des thérapeutes ayant une activité en Institution .Freud écrira pourtant:" D'ailleurs,les phénomènes de transfert négatif sont choses courantes dans les maisons de santé,et, dés qu'ils se manifestent ,le patient quitte l'établissement,sans être guéri,ou même dans un état aggravé..." Au point de vue du traitement ,il importe peu que le malade puisse surmonter dans une maison de santé., telle ou telle angoisse ,telle ou telle inhibition ;ce qui compte au contraire c'est qu' il parvienne dans la vie réelle à se libérer de ses symptômes " ([7]). Le renoncement de Freud aux visites des patientes dans des maisons de santé,consacrera à jamais la rupture avec sa pratique en institution.C'est peut être davantage la difficulté d'analyser les phénomènes de transfert que leur contenu érotique qui présida à son renoncement à exercer en " institution" .

           Un courant psychiatrique français réfute,tout en se réclamant de la psychanalyse,([8])les particularités des phénomènes de transfert tels que l'exercice en institution les révèle, les amplifie ,voire les rend insolubles.Si le bref " exercice institutionnel" de Freud s'avéra source de multiples déconvenues, il fournira pourtant de multiples enseignements.Il n'y a pas de notre point de vue, de psychanalyse institutionnelle,mais présence parfois de psychanalystes qui peuvent influencer et aider le fonctionnement de l'institution.Le repérage des mouvements répétitifs débouchera non pas sur des interprétations ,mais sur des stratégies thérapeutiques adaptées. Il nous semble que la psychothérapie institutionnelle en incorporant mal, bien des concepts issus du champ de la psychanalyse, n'a pas rendu justice à l'expérience de Freud quant à la question du transfert dans les institutions

L'appropriation des concepts métapsychologique pour rendre compte de la nature et de la régulation des échanges au sein d'une institution pose de sérieux problèmes épistémologiques .La pratique psychanalytique est née d'un non fondateur de Freud, de son retrait de l" institution" , d'une expatriation,donnant naissance à un nouveau site,à une nouvelle instrumentation,à un cadre défini .Ainsi sera promu " un processus  d'exploration et d'exploitation du site qui résulte de la séquence indéfinie ,de l'interaction entre le patient et le site" .([9])

           Nous pouvons affirmer que la fondation de la Psychanalyse s'est faite sur le négatif de l'institution;aussi garde t'elle à l'égard de celle ci,une dette .

           L'espoir d'une continuité,d'une communauté d'intérêt demeurerait-il entre psychiatrie et psychanalyse ? C'est que Freud([10]) proclame:" une contradiction entre ces deux ordres d'études dont l'une continue l'autre ,est inconcevable" .

 

Ruptures épistémologiques:

 

La singularité de chacune des disciplines s'est d'un point de vue épistémologique également organisée autour de conceptions différentes de la temporalité.

               Avec le dégagement d'un principe déterminant,l'aprés coup, présent très tôt dans les textes de Freud, dés le projet de psychologie scientifique se profile une différence radicale concernant la conception du temps dans ses rapports avec l'événement traumatique et son histoire.

           La conception psychanalytique de l'après coup réfute l'idée même d'une linéarité entre un événement causal et son expression symptomatique,d'une action directe du passé sur le présent.Dans les études sur l'hystérie et ailleurs,en particulier dans l'Homme aux Loups, Freud montrera comment un événement initial ,une séduction précoce plus précisément, prendront bien plus tard une signification sexuelle ,à l'occasion d'une nouvelle expérience de séduction ;c'est ce deuxième temps qui lui consacrera son poids traumatique .

           Nous sommes donc là face à deux conceptions du temps qui divergent notablement, ne s'excluent pas,mais qui colorent toute compréhension psychopathologique de manière spécifique.

           -    une conception linéaire qui trace une ligne directe entre une cause et son expression ,et définit une axiomatique spécifique au champ médical .

           -    une conception différente qui donne (déjà) à la répétition un pouvoir particulier,une nouvelle efficacité psychique,parfois même un nouveau sens.On sent bien qu'elle est à la fois une condition nécessaire au développement de la théorie , mais qu'elle peut traduire une double défaite ;celle de la raison scientifique(on se souviendra de l'accueil fait à la deuxième topique,considérée comme un égarement spéculatif de son auteur),et celle de l'espérance utopique.

           Freud n'est pas un prédicateur, hanté par le temps certes, celui de sa propre mort.Il affirme constamment l'impossibilité de prédire l'avenir tout en sachant ce qu'il doit à Nietzsche, convaincu que sous le foisonnement infini des événements aucun grand dessein n'organiserait le chaos;la fatalité de la répétition du même, inéluctable et sans espoir.Freud est un penseur de l'improbable ,de l'incertain ,de l'aléatoire, dirait on aujourd'hui ,tout en étant habité par la nécessité inéluctable du progrès face à la souffrance psychique et à ses modalités particulières d'expression. Elle constituera inlassablement la source de ses " spéculations" et sa raison sur un fond de déterminisme relatif.

           Ces deux conceptions du temps n'en excluent pas d'autres à l'oeuvre dans le fonctionnement de l'inconscient,aux cotés des précédentes . Ces temporalités évoluent selon leurs propres logiques tout en se recoupant et s'influençant l'une l'autre.En leur point particulier de recoupement,voire de convergence et d'alliance, se definit un lieu privilégié d'observation,et d'interrogation du fait psychopathologique.A partir de ce lieu géométrique fleurissent des champs d'interrogation et d'incertitude voisins qui se concentrent sur certains désastres psychopathologiques. " Le psychisme paraissant le plus asséché(le temps encore dans son rapport à la mort) par un processus vicariant surprend alors par sa compléxité,par ses contradictions et sa capacité de découverte,d'ou la nécessité d'employer de nouvelles références semiologiques([11])" .

           Notre réflexion trouvera son assise précisement au lieu même de ces incertitudes,là ou les modèles théoriques se recoupent avant de s'éloigner,pour se retrouver encore et se perdre à nouveau ,au croisement de deux logiques dont la cohabitation redistribueles exigences métapsychologiques et éthiques de manière nouvelle et probablement inconciliable.Le lieu particulier d'observation défini, reste à forger l'outil à l'aune duquel peut se mesurer les influences respectives ,et les enrichissements qui peuvent en naître.

           Comment une pratique double de psychiatrie et de psychanalyse peut elle cohabiter? A quelles exigences éthiques doit elle répondre? Quelle disposition psychique requière t'elle?

 

Au croisement de deux pratiques: Entre clivage et confusion.

 

           S'il était concevable il y plusieurs années d'exercer le métier d'analyste exclusivement,aujourd'hui il n'est pas rare que nos collègues accumulent en plus de leur exercice analytique d'autres activités psychiatriques, universitaires ...L'époque n'est pourtant pas lointaine ou il était courant d'entendre dire par des analystes expérimentés ,peut être avaient ils raison ,que la psychanalyse était comme la musique :il n' était pas concevable lorsque l'on voulait devenir soliste de ne jouer de son instrument que deux ou trois heures par jour!Il fallait y consacrer tout son temps, voire sa vie.L'exemple de Freud accrédite largement ce point de vue. Pourtant force est de constater que les choses ne vont plus ainsi!

           Nous n'évoquerons pas les problèmes rencontrés par les collègues analystes qui excercent comme consultants externes ou superviseurs au sein d'institutions psychiatriques. Leur modèle référentiel est fondamentalement approprié pour rendre compte dans l'après coup interprétatif et théorisant de leur écoute d'un point particulier du matériel proposé,leur exercice reste en permanence guidé par l'émergence et la valorisation du latent  dans ses rapports avec le désir.

           Le problème est tout autre lorsque les pratiques imposent la délimitation de deux espaces de travail,de deux cadres différenciés,notamment pour les patients psychotiques,qui nécessitent un environnement thérapeutique spécialisé . Comment les psychiatres psychanalystes " travaillent " ils au sens psychique du terme, la référence à des modèles théorico-pratiques foncièrement hétérogènes aux finalités divergentes, et parfois opposées.

           Les modalités d'intégration de ces différences au dedans du moi sont multiples.Pour certains praticiens, ces différences sont tout simplement niées.Les conséquences immédiates, aisément repérables sont les suivantes ; un secteur de l'activité professionnel sera largement idéalisé, au détriment de l'autre déclassé .Se pose naturellement le problème du clivage dans sa dimension défensive, qui sous tend une telle position ,et de ses conséquences sur l'économie psychique de l'analyste.Pour le coup, en séparant le bon grain de l'ivraie,il lesterait la resistance d'un poids particulier,en raison de l'absence d'élaboration du conflit interne.A l'idéalisation, ferait écho la dimension persécutive projetée sur le secteur d'activité moins investi,sinon desinvesti.On imaginera aisément le fondement narcissique, et ses répercussions contre-transférentielles, qui cimenteraient un tel positionnement,face à l'impossible intégration de la conflictualité liée à l'usage de méthodologies disparates.

           Continuons à examiner pour l'instant, l'approche des pluralités intégratives de modèles référentiels singuliers,et leur conséquences praxéologiques.

               a)Juxtaposition :il y aurait en quelque sorte une continuité isomorphique ,un prolongement plus ou moins harmonieux entre deux pratiques différentes, mais reconnues comme telles soumises à la prévalence référentielle du modèle analytique dont le champ d' application déborderait largement celui auquel elle est historiquement circonscrit. C'est ce qu' H.Searles observe chez les thérapeutes dont la générosité,et le désir de guérir s'expriment ouvertement,y compris dans le cadre de cures analytiques cachant en réalité une fantasmatique complexe, axée sur la toute-puissance narcissique,Le conflit méthodologique est encore détourné dans un évitement phobique du cadre et de ses exigences pour sauver les identifications du moi.Toute capacité d'attente et de soutien d'un certain degré de paradoxe fait défaut. La confusion se maintient et se développe au sein d'un imaginaire redoutant l'intégration des charges pulsionnelles violentes.Le conflit méthodologique, avec ce qu'il recouvre comme problématique à la fois narcissique et oedipienne demeure enfoui.

               b)Complémentarité ;conséquence de la première modalité,l'ensemble de la souffrance psychique serait peu différencié en termes de profondeur,de qualité, d'économie , couverte par des pratiques thérapeutiques s'articulant les unes aux autres sans aucune contradiction, selon un principe homologique aseptisant toute hétérogénéité créatrice.

               c)Conflictualisation;elle est le produit de l'affrontement intériorisé de modèles référentiels différents voire contradictoires ,regulés par des logiques ayant leur propre cohérence .Mais ayant des fondements et des finalités spécifiques,ils ne peuvent cohabiter qu'au prix d'un travail psychique incessant.Cette capacité suppose l'existence d'un espace psychique possédant une organisation interne suffisamment différenciée pour conférer aux objets des régimes d'investissement divers dans une ambivalence créatrice.L' enjeu dans cette éventualité,étant la disposition interne de l'analyste à se mouvoir analytiquement au sein d'investissements théorico-cliniques multiples, parfois antinomiques.Ainsi face à une décompensation psychotique malgré le poids de l'angoisse dont il devient le porteur et parfois le messager auprés d'une famille désemparée ,parviendra t'il à garder cette aptitude profonde et fragile à considérer que l'expérience délirante est une production à la fois défensive et créatrice.Parce qu'elle expurge une conflictualisation silencieuse et secréte,chargé d'un désir en opposition avec les contraintes de la réalité,elle surgit pour tenter de renouer quelque chose de vivant avec objet.C'est au prix d'une profonde et patiente intégration de la valeur et de la fonction des processus de métaphorisation et de figurations,dans leurs relations avec les forces inconscientes sous jacentes en particulier destructrices, qu'il parviendra à preserver le developpement de ses capacités de compréhension du processus psychotique en cours. Autrement dit ,c'est le rapport subjectif qu'entretient l'analyste avec la folie qui se trouve posé.La métabolisation de ce rapport avec les incertitudes,les obscurités qu'elle recèle offre une autre possibilité d'écoute plus secondarisée affinant ses capacités d'accueil de la maladie mentale .Face à l'imbrication théorico clinique plus ou moins confusante produite par des axes référentiels hétérogènes, l'engagement subjectif de l'analyste dans l'expérience de la déraison quelqu'en soit sa forme est ce qu'il y a de plus sûr comme guide, s' il parvient a accepter les risques encourus ,à savoir les effets de la déliason sur ses propres certitudes, sur sa psyché .

            En devenant l'observateur de son propre moi au travail,au prix d'une sorte de dédoublement auto-representatif de sa propre activité élaborative ,en particulier dans les instants de profonde incertitude, une rencontre authentique se produira,avec lui même et l'autre ,offrant à la compréhension de la folie de nouvelles pistes.La formation d'un rêve obscur en un contenu clair et compréhensible était pour Freud l'occasion de se réjouir et d'espérer en la valeur de ses recherches.

           La disparition d'un symptôme par une prescription pertinente peut à juste titre être considérée comme pouvant procurer une satisfaction professionnelle au prescripteur,mais elle repond à une autre prise en considération de la souffrance,qui ne s'articule pas avec le modéle précédent. Les choses deviennent beaucoup plus compliquées lorsque une seule et même personne peut jouer du fait de ses compétences professionnelles sur les deux registres à la fois, en théorie du moins.

           Qu'est ce qui préside à ces choix thérapeutiques?Est ce precisement la peur d'affronter les conséquences pour soi même de la folie de l'autre ?

           Quel pouvoir thérapeutique attribue l'analyste à l'interprétation en dehors de son site originaire qu'est la cure? En quoi les effets de sa propre parole sur le" materiel" modifieront ils le rapport intime qu'il entretient avec sa" foi" dans son engagement psychanalytique et son efficience.Cela infléchira t'il ses conduites thérapeutiques et sa position à l' égard de ses idéaux et de son éthique?

Il n'y a que reponse individuelle à ces questionnements,mais il est clair que derrière des considérations techniques, sont à l'oeuvre des éléments contre transférentiels non élaborés susceptibles de se frayer une voie de passage vers l'agir,dont la prescription médicamenteuse peut être parfois la voie la plus insidieuse.

           Nous resterons fermement convaincu avec Freud que le médecin appartient tout à fait ou pas du tout à la psychanalyse. ." Les psychothérapeutes(et les psychiatres) qui se servent occasionnellement de la psychanalyse ne se trouvent pas sur un terrain bien ferme,n'admettant pas tout de l'analyse,ils l'ont affadie ,peut être même traînée dans la boue;ils ne peuvent être comptés parmi les psychanalystes" .([12])

Nous pensons que la pratique psychiatrique d'un analyste dans sa rencontre avec la pathologie psychotique souléve une réflexion parfois douloureuse sur la pertinence de ses propres outils, forgés par l'expérience de la psychanalyse.

 

la relation de l'analyste à l'analyse?

 

           Cette somme inépuisable de questions née de la rencontre entre psychiatrie et psychanalyse peut elle modifierla relation de l'analyste à l'analyse? Probablement en confrontant le clinicien à des situations dont le caractère paradoxal impose une réelaboration d'antagonismes pouvant secondairement devenir féconds et structurants.Ainsi le jeu des représentations psychiques activé par la mise  en mouvement de systèmes référentiels antagonistes génère des antinomies entre l'exigence de la réponse attendue par le patient dans certaines situations et l'exigence de distanciation que la formulation correcte d'une réponse nécessite au plan thérapeutique.Celle ci atteindra son maximum d'effets en décloisonnant et dialectisant les oppositions.L'affect est un agent de liaison.Il peut opérer entre les circuits référentiels hétérogènes ayant un caractère paradoxal .Il favorisera un fonctionnement dynamique organisateur de l'excitation et du conflit.

           Le travail avec les psychotiques confronte le clinicien à des messages paradoxants véhiculés par des canaux incompatibles entre eux.La communication paradoxale attaque les capacités de liaison de la psyché, et trouble l' organisation de l'excitation ,l' organisation des affects ,et l' organisation des représentations elles mêmes. La communication entre ces différents registres peut alors se brouiller et en venir à désorganiser l'affect lui-même.Peut résulter de cette situation extrême un retournement de l'alliance thérapeutique,découragant toute tentative de conférer une quelconque validité à la relation. Ces situations soulévent une double question;

           Celle du moi aux prises avec les origines de son activité de liaison ,c'est à dire avec son aptitude singulière à rendre présent ce qui a été perçu une fois,par reproduction dans la représentation sans que l'objet ait besoin d'être encore présent au dehors([13]).

           elle confronte le moi à sa capacité autoréfléxive,c'est à dire de recentrement sur son propre fonctionnement.La finalité de cet autocentrement permet une sorte d'auto représentation du moi en situation de travail,dans son activité de liaison et de mise en représentation;cette activité peut être compromise si la capacité de l'analyste à halluciner son fonctionnement ,à la maintenir au dedans de lui même, vient à se tarir. Il est clair que la rencontre du moi de l'analyste avec la pathologie psychiatrique donne à penser une double problématique.Celle de la transformation de ses facultés de mise en représentation de son propre fonctionnement psychique ,mais aussi celle de l'influence de autre,(identification projective) qui pourra modifier son propre sentiment d'appartenance .

 

Une nouveau champ d'exploration des phénomènes transférentiels?.

 

           Les positions changeantes de Freud à propos du transfert dans les psychoses donnent la mesure de ses incertitudes et de leurs fécondités .Il illustre comment sa rencontre avec la pathologie psychiatrique a fait évoluer sa compréhension des phénomènes transférentiels.Ainsi ses premiéres remarques furent teintées d'un profond péssimisme." Les malades atteints de névrose narcissique ne possèdent pas la faculté de transfert,ou n'en présentent que des restes insignifiants.Ils repoussent le médecin,non avec hostilité mais avec indifférence.C'est pourquoi ils ne sont pas accessibles à soninfluence...ils restent ce qu'ils sont,concluera Freud.([14])

           Il existe une chronologie dans ses publications qui ne doit rien au hasard .En procédant à une étude chronologique des textes freudiens ,premiére et deuxième topiques confondues,nous pourrions faire remarquer comment Freud a été amené, après avoir procédé à l'étude de cas de psychoses,et de névroses narcissiques à revenir dans ses écrits au thème de l'interprétation que ce soit du rêve ou du transfert.Nous considèrons ce mouvement comme ayant une portée générale.La confrontation théorico-clinique avec la psychose impose,un perpétuel recentrement,un retour vers un axe de recherche centré sur les processus de symbolisation,infléxion nécessaire pour revitaliser les incorporats mortiféres produits de l'identification projective.Ce balancement n'est pas une fatalité;il s'impose à notre insu procédant d'une nécessité intérieure permettant de lutter contre le risque d'enkystement,et de fragmentation du Moi,lorsqu'il est envahi au dedans par des contenus hétérogènes .Cette dynamique met en jeu précisément une exigence de théorisation de certains aspects archaïques du transfert ,et des identifications primaires. Une nouvelle compréhension des phénomènes transferentiels,naitra de la prise en considération de ces phénomènes sur le moi de l'analyste permettant une revision du pessimisme freudien des débuts..

           Ainsi pour P C Racamier([15]), c'est avec les psychotiques que l'on a compris que le contre-transfert était un instrument de connaissance.L'affirmation de H Searles ([16]) poussera encore plus loin l'intérêt pour l'étude du contre transfert en lui confèrant aussi un rôle indéniable dans le diagnostic de certains fonctionnements psychopathologiques.L'appréciation et l'identification du contenu du contre transfert par l'analyste recèlent des éléments significatifs de la structuration psychique du patient.Son élaboration en faisant obstacle au processus de néantisation, permettra une retransitionnalisation de l'expérience et le redéploiement d'après coups féconds ouvrant à une inscription de la séquence dans un passé à venir.

           Avec l'apparition de nouvelles formes d'expression de la pathologie mentale,(etats limites, personnalités pharmaco-dépendantes ,névroses et psychoses de comportement et de caractère) doit-on s'attendre à l'apparition de modalités nouvelles d'expression du transfert convoquant de nouvelles exigences d'élaboration,impliquant différemment la dimension subjective de l'analyste? Nécessiteront elles un changement permanent de registre conceptuel,en recourant à de nouvelles métaphores, pour tenter de saisir les enjeux de l'instant(,menace de passage à l'acte,destructivité,regressions etc) et dégager des modalités de réponses nouvelles(le recours à l'hypnose,les représentations d'attente?).

           Certaines conjonctures cliniques problématisent à la fois le dispositif analytique, mais aussi la théorie.La confrontation avec la psychose  et les pathologies narcissiques a imposé une révision de la conceptualisation et un élargissement de la théorie;celle ci,en particulier a largement tiré profit de l'exploration de l'univers prégénital grâce à l'expérience des analystes engagés dans le traitement de patients psychotiques.

     Nous pensons que la confrontation avec certaines formes actuelles d'expression de la souffrance, pourra favoriser une révision des origines de la théorie et-ou des théories de l'origine de la pensée.C'est à l'insuffisance ou la faillite des processus de pensée que nous sommes habituellement confrontés, au profit d'expressions symptomatiques multiples,lorsque en particulier, l'action motrice ajourne le travail de symbolisation.Se trouve alors court-circuitée,cette aptitude de mise à distance d'une tension interne,soumise alors au registre de l'agir.Sont responsables de ces phénomènes toutes les pathologies que l'on pourrait caractériser comme ayant pour effet de fragiliser, d'annihiler la transformation du système pulsionnel en représentations, entraînant au sein du cadre analytique, une sorte de dérègulation, de glissement du couple attention flottante -association libre. La fonction de la pensée au sens analytique se trouve affectée.Ces" situations limites" ([17]) ou la souffrance, désaccouple le complexe attention flottante-association libre, convoque une réponse urgente pas nécessairement verbale,du fait de l'extraordinaire affaiblissement de l'opérativité des mots,et de la perte de leur pouvoir de figuration, coupés de leur racines pulsionnelles.L' analyste est confronté à un exercice pragmatique singulier  qui consiste à inventer au dedans de soi une modélisation transmissible et réflexive de l'indicible,le recours à ses propres théories ou à d'autres pouvant assurer la refonctionnalisation de son préconscient et éviter l'écrasement traumatique des instances psychiques.

     Freud avait un temps proposé le recours à des représentations d'attentes, dont la fonction substitutive et pragmatique avait pour but de combler les béances du tissu imaginaire .Cette initiative,rejeton opératoire de l'hypnose, s'imposant parfois dans l'urgence n'est autre qu'une tentative plus ou moins heureuse de formuler des hypothèses reconstructives;la fonction de ces représentations d'attente sera prothétique.Joueront-elles le rôle d'un greffon permettant la relance de l'investissement auto-érotique de l'activité de penser? Nos associations nous guident vers des métaphores corporelles, vers un retour du(au) corps chargé de drainer à lui le courant libidinal, dispersé. Ce type d'intervention qualifié de pragmatique ne s'effectue pas sans soulever de profondes résistances nourries par le modèle d'une cure idéale enfoui en chaque analyste.Elle est aussi une façon insidieuse de réintroduire le principe causaliste dont l'analyse s'est pourtant virtuellement dégagée.C'est probablement en reconflictualisant ses propres positions qu'une possibilité de mise en jeu des failles actualisées par la situation s'offrira à l'analyste.

     Ces situations de crises épistémologiques sont porteuses d'une conflictualité intrinsèque, permutatives en ce qu'elles déstabilisent le modèle originaire,et son invariance attention flottante _ association libre.S'y substituera un régime nouveau pourquoi pas inversé , en négatif,pour devenir" l'attention libre- l'association flottante" .L'attention devenant " libre" de prendre en considération toutes les formes d'expression de la souffrance ,pas seulement langagière ,sans pour autant les interpréter.L'association suivra un cheminement débridé et dont le flottement fera surgir des moments plus ou moins oniroides, à la limite du dédoublement,de l'auto-hypnose,de la dépersonnalisation .

 

Limites du transfert comme effet de substitution.

 

     En jouant sur la gamme de l'analogie, du déplacement,du substituable ,du métaphorisable ,selon une logique d'échanges, de nouveaux investissements pourront s'effectuer entre deux acteurs ;c'est le principe même de la névrose de transfert.

     Plus complexes ,les situations rencontrées généralement à la lisière du champ de la psychiatrie,dominées par les effets psychiques de la pharmaco-dépendance.Rien n'est en apparence substituable , partageable dans l'échange.Ces situations nous confrontent aux limites de l'analyse ou aux limites de l'analyste?

     La demande du patient frappe par son caractère impérieux non différable,son exigence est à la hauteur de l'enjeu;son rapport au cadre est d'emblée décalé; Son attente est claire ;survivre psychiquement, revitaliser artificiellement les lambeaux d'un univers psychique terrassé par l'assèchement des satisfactions auto-érotiques de base.Elles ne peuvent être réanimées que chimiquement, grâce au recours au " pharmakon" ,dernier médiateur disponible.Dans l'acception grecque,le " pharmakon" définit toute substance salutaire ou malfaisante.Reméde ou poison, il est tout acte qui transforme,entraine une modification salutaire ou malfaisante. P Lembeye([18]).Le manque dévastateur, contient toujours l'espoir d'une guérison et son envers.La requête d' une satisfaction est sans détour.L'opérabilité de ce médiateur est forte,immédiate, favorisant l' ultime incorporation d'un objet disqualifié et pourtant magique, avec lequel le sujet se confond.

     Dans ces situations aucun déplacement n'est possible dont le transfert pourrait se nourrir,et se vivifier.La dépendance et son caractère inexorable sont maîtres du jeu;l' éphémère échange sera possible,hors du registre de la métaphore, dans celui de l'agir,du geste,de l'action. La substitution pharmacologique dans le meilleur des cas est supposée pallier la carence de la fonction hallucinatoire dans sa double fonction de présentification de l'objet et de réalisation du désir.

     Est-elle une étape première à laquelle fera suite une possible transitionnalisation de l'échange ? Rien n'est moins sûr.Peut être dans le meilleur des cas donnera t'elle naissance à une sorte de perversification du lien à l'autre,et au cadre.Il est difficile d'espérer une possible dialectalisation des deux registres de la substitution( la substitution comme moteur et effet de transfert ,et la substitution comme recours à un produit chimique ,passage d'une dépendance à une autre).Faut-il voir dans la récurrence de la consommation du pharmaco-dépendant la répétition inlassable d'un événement traumatique premier ,comme pour s'en libérer? Cette forme particulière de dépendance s'apparente t' elle à d'autres formes de dépendance, telles que certaines cures interminables les révèlent?

         Comment fonctionner analytiquement dans ce type de situation.?la mobilité respective des processus de pensée parait figée. Voila un champ d'exploration dans lequel bien peu d'analystes se sont engagés,et d'ou pourrait jaillir une nouvelle compréhension de la faillite ,du ratage de la convergence des auto-érotismes pour constituer le narcissisme.

     Propulsé à la périphérie de son cadre théorico-spéculatif habituel,bien loin des bases oedipiennes des origines de la psychanalyse,l'analyste s'engouffre dans l'exploration( avec son appareillage ,la pensée et son support, le langage) d'un champ, celui de la non pensée, de l'indicible.L'instrumentation sera inévitablement elle-même soumise aux vicissitudes du potentiel destructeur exploré.Nous voila plongé dans le registre de la négativité ,et de la richesse plus ou moins silencieuse et déconcertante de ses modalités d'expression.Le lieu d'exploration est ainsi balisé,entre les formes les plus silencieuses d'une pulsionnalité mortifére fondamentalement désorganisatrice et les couches les plus basales du narcissisme primaire, marqué par un défaut non cicatrisable d'investissement en libido.

     A Green([19]),en ciblant sa réflexion autour du pulsionnel, fournit une hypothèse de travail très démonstrative et convaincante, lorsqu'il évoque le pouvoir de désinvestissement désobjectalisant de certaines forces psychiques,de la pulsion de mort plus précisément, qui se manifestera par la paralysie de l'activité projective.La relation à l'objet analyste ne peut se nouer afin de devenir le support d'un investissement,quelqu'en soit la forme et le contenu.Le vecteur qui conditionne cet échange ,la projection, étant suspendue dans sa fonction.Au dedans stagnera ce qui aurait du être expulsé,et infiltrera pour la fragiliser, l'intrication des couples pulsionnels.La paralysie des mouvements internes se traduit par une sensation de mort psychique ,une impossibilité pour le moi d'halluciner son propre fonctionnement.Le recours au renforcement chimique des bribes de sensations internes constituant le dernier rempart contre l'éffondrement,la régression topique.Le recours au " pharmakon" est en ce sens paradoxalement un processus d'auto- guérison:il assure in fine une satisfaction auto_érotique dans l'attente putative d' " une nouvelle action psychique," synthétisant l'ensemble sous le primat du narcissisme.

 

Psychiatrie et métapsychologie

 

     Le détour par les formes les plus assujetissantes de la pathologie psychiatrique donne à penser différemment le dysfonctionnement pulsionnel.Il renforce et illustre de manière éclatante l'hypothèse de la pulsion de mort ,tout en montrant les limites du couple association- libre, écoute- flottante,et celle du pouvoir organisateur du cadre. Le potentiel métapsychologique loin d'être tari doit être mis au travail différement,quitte à ce qu'il nous confronte à de nouvelles incertitudes ou apories.La désignation d'une première topique par rapport à une deuxième institue une chronologie trompeuse et défensive qu'il convient de récuser si l'on veut faire jouer les concepts entre eux selon de nouvelles perspectives.ça n'est pas seulement à une reconsidération, à une extension de la théorie du traumatisme telle que la deuxième topique s'y essaye avec la notion de répétition dans son articulation avec la pulsion de mort, qu'il convient de refléchir.Etrangement la confrontation avec certaines formes nouvelles de la pathologie mentale rend caduque l'opérativité de l'après coup contraignant l'analyste à une prise en compte de l'événementiel, souvent dans une perspective abréactive, cathartique.

     L'impossible intégration du conflit basal opposant pulsion de vie et pulsion de mort trouvant ses sources dans un dysfonctionnement du refoulement originaire constitue le point axial de toute réflexion clinique et métapsychologique.On se référera à l'hypothèse de J Bergeret([20]) consacrant à la violence primitive de niveau narcissique primaire un réel pouvoir de désorganisation,plus particulièrement dans cette phase première, avant la liaison avec la libido.

     La tentation est grande de proposer une analogie(le retour des métaphores corporelles) entre ces formes nouvelles d'affectation de la vie mentale et la désorganisation immunitaire des processus défensifs dont sont responsables certains virus.L'hypothése communément partagée par les chercheurs concerne cette aptitude singulière du virus à se transformer pour prendre d'autres formes d'expression au moment précis ou il pourrait faire l'objet d'une identification.Ne sommes nous pas confrontés à cette même problématique? Faut il voir dans cette impossibilité de recouvrir une identité pour ces patients réputés difficiles, quelque chose de salutaire?la non identification de ces sujets faisant office de marquage,( mais pas d'identité ),nous impose un incéssant travail de recherche, d'identification, aux sources de notre pratique quelqu'en soit la forme.

                   Pierre Decourt

                   115 avenue de Lodéve

                   Montpellier


Pierre Decourt

Résumé

Notre intention au cours de cette contribution visera moins à developper les interactions entre psychiatrie et psychanalyse qu'à tenter de réfléchir aux problémes internes  et épistémologiques que soulevent l'exercice conjoint des deux disciplines.Nous examinerons les différentes modalités du travail psychique qu'imposent cette double pratique à l'analyste ,en insistant sur la conflictualité interne qu'elle engendre.

Mots clés.

confusion,clivage,aprés-coup,substitution



[1] Freud S.Psychanalyse et Psychiatrie;in Introduction à la psychanalyse:PBP 1972 p 225.

[2] Freud S De la psychothérapie in la Technique Psychanalytique Puf 1967

[3] Searles H:L'effort pour rendre l'autre fou;Edition Gallimard,1987

[4] Freud S.Révision de la théorie des rêves in Nouvelles conférences sur la psychanalyse coll Idées 1971 p12

[5] Freud S Introduction à la psychanalyse op cit p11

[6] Assoun P L Introduction à l'épistémologie freudienne Payot 1981

[7] Freud S la Dynamique du transfert in la Technique psychanalytique. Puf 1967

[8] Congrés de Saint Alban La psychothérapie institutionnelle;transferts et déplacements 1987

[9] Donnet JL .Site et Situation analysante in Bulletin du Groupe méditerranéen de la SPP.

[10] Freud S. Introduction à la psychanalyse(op cit)p236

[11] Diatkine R, Quartier Frings F, Andreoli A;Psychose et Changement. Puf 1991

[12] Freud S. Nouvelles conférences (op cit) p8

[13] Freud S.la Négation; Résultats Idées ,Problémes trad J Laplanche Puf 1985

[14] Freud S Introduction à la psychanalyse (op cit) p424

[15] Racamier P C; conférence faite au groupe,Lyonnais de Psychanalyse 1988

[16] Searles H .Le contre transfert Editions Gallimard 1981 p 221

[17] Roussillon R .Paradoxes et Situations limites de la psychanalyse le fait psychanalytique Puf 1991 p 242

[18] Lembeye P.Carnets Toxicomanes:à paraître

[19] Green A. Pulsion de mort ,narcissime négatif,fonction désobjectalisante in la pulsion de mort Puf 1986.

[20] Bergeret J. Freud ,la Violence et la depression Puf 1995.


PsychiatrieMed.com © 2008. Touts droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation.